Par Peter Waisanen, gestionnaire principal et spécialiste du béton | EXP
Une composition unique et adaptée à l’utilisation qu’on en fera, voilà le grand différenciateur du béton. En effet, les ingénieurs et les entrepreneurs peuvent jouer un rôle de premier plan dans la définition des propriétés du béton. Il peut être rendu plus résistant, plus léger, plus rigide ou encore moins perméable, en fonction des critères de performance requis pour chaque projet. Sa polyvalence en fait donc un matériau idéal pour une multitude d’applications. Avec l’innovation constante dans le domaine du béton, il faut s’attarder davantage à son empreinte écologique.
Les ressources naturelles de la Terre continuent d’être consommées à un rythme élevé. L’épuisement des ressources, les émissions de carbone et les taux de consommation énergétiques élevés de la fabrication du béton font augmenter la nécessité d’innover. La formulation du béton doit lui permettre d’avoir une longue durée de vie et de nécessiter le moins d’entretien possible, ce qui réduit l’empreinte carbone intrinsèque du cycle de vie complet des structures. On associe à la mesure du carbone intrinsèque le concept de réduction du potentiel de réchauffement planétaire (PRP).
Des changements ont été intégrés à la fabrication du béton de manière à réduire l’empreinte carbone de cet important matériau. Parmi ces changements, on compte :
- l’utilisation de ciment Portland au calcaire au lieu de ciment Portland pur pour réduire l’empreinte carbone du ciment de plus de 10 % ;
- le remplacement de jusqu’à 80 % du ciment Portland par des matières résiduelles comme la fumée de silice, le ciment de scories et les cendres volantes, lorsque les exigences du projet le permettent ;
- l’utilisation de la poudre de verre recyclé finement broyée dans la composition du béton ;
- la réduction de la quantité de ciment Portland dans le mélange de béton en utilisant des pouzzolanes naturelles, comme le métakaolin, les cendres volcaniques et les cendres de balles de riz ;
- l’utilisation d’adjuvants chimiques qui diminuent la teneur en eau, ce qui réduit la quantité de ciment Portland nécessaire pour obtenir la résistance requise ;
- l’utilisation d’inhibiteurs de corrosion dans le béton pour ralentir le processus de corrosion de l’acier d’armature et pour augmenter la durabilité des éléments exposés aux chlorures ;
- l’utilisation d’adjuvants réduisant la perméabilité du béton pour ralentir la progression des chlorures dans le béton extérieur, prolongeant ainsi son cycle de vie ;
- l’utilisation d’adjuvants compensateurs de retrait qui réduisent les risques de fissuration par retrait des éléments en béton, et dans les applications où la fissuration entraînerait la corrosion précoce de l’acier d’armature, la réduction des fissures pourrait permettre de prolonger la durée de vie de ces éléments – l’utilisation de ces adjuvants dans les planchers industriels en béton réduit le nombre de joints nécessaires, ce qui réduit également les besoins d’entretien ;
- l’ajout, dans les camions-bétonnières, de CO2 extrait de matières résiduelles pour améliorer la qualité du béton – ce CO2 ajouté accélère l’hydratation et améliore la résistance à la compression, tout en l’éliminant de l’atmosphère ;
- l’utilisation de l’eau de lavage des camions dans les mélanges de béton pour économiser l’eau potable, lorsque permis dans les spécifications.
Pour les projets pour lesquels la résistance ultime du béton n’est pas requise dès le début, les équipes peuvent spécifier un béton avec une période de maturation plus longue, comme 56 ou même 91 jours. Cette approche permet de réduire la quantité de ciment Portland nécessaire pour l’atteinte de la résistance prévue. Elle peut être utilisée dans le cadre de projets de construction de nouveaux garages de stationnement de condominiums, où les colonnes porteuses n’auront pas à supporter leur charge utile prévue avant plusieurs mois.
De grands fournisseurs canadiens de béton ont entamé la production de mélanges qui peuvent améliorer l’empreinte carbone de constructions en réduisant de jusqu’à 90 % le CO2 dans le béton. Des entreprises des quatre coins du monde ont d’ailleurs emboité le pas.
Compte tenu de l’importance du béton en tant que matériau principal de construction, son impact environnemental suscite des préoccupations. La réutilisation du béton facilement accessible devient donc très importante. Considérant que la plupart de nos infrastructures et bâtiments urbains ont maintenant besoin d’être rénovés ou remplacés, le béton qui les compose peut constituer une source précieuse de granulat pour le béton neuf. Ce type de béton est habituellement appelé « granulat de béton recyclé ». Les analyses de coûts montrent que le recyclage du béton comme granulat pour un nouveau mélange de béton peut constituer une méthode de construction rentable. Ces matériaux résiduels sont déjà utilisés pour remplacer les matériaux granulaires vierges sous les routes et les stationnements. La fabrication de ciment constitue une source importante d’émissions de gaz à effet de serre. Les spécialistes cherchent donc à concevoir des mélanges de béton plus écologiques, tel que le béton fait de fines particules de verre recyclé utilisé dans le cadre du projet de reconstruction des ponts Darwin, à Montréal. Ce projet a permis de donner une deuxième vie à l’équivalent de quelque 70 000 bouteilles en verre, en plus d’engendrer une économie de 40 000 kg de ciment. Cette méthode a ainsi évité que près de 40 tonnes de CO2 soient rejetées dans l’atmosphère.
La convergence de la durabilité et de la longévité dans le béton permettra de construire des structures ayant une plus longue durée de vie et une empreinte carbone réduite. Les récents changements dans la disponibilité et dans les caractéristiques des matériaux cimentaires ont fait naître le besoin d’avoir de nouvelles façons d’utiliser les sous-produits industriels, de nouvelles technologies pour atténuer l’empreinte carbone, de recycler les matériaux de construction et de défier les attentes relatives à la durée de vie utile dans les environnements hostiles.
L’American Concrete Institute a publié un nouveau code, le ACI CODE-323-24: Low-Carbon Concrete – Code Requirements and Commentary, qui fournit des dispositions pour le béton lorsque la réduction du potentiel de réchauffement planétaire est requise. Il a été élaboré par processus consensuel et concerne le béton coulé en place avec une résistance à la compression spécifiée minimale de 2500 psi et maximale de 8000 psi. Le béton préfabriqué, le béton immergé, le béton/coulis coulé à la tarière, le béton projeté, les pavés et les unités de maçonnerie ne sont pas inclus dans la portée du code.
Le Groupe CSA (Canadian Standards Association) a récemment collaboré avec l’ANSI (American National Standards Institute, Inc.) afin d’élaborer la norme CSA/ANSI R118:24, CarbonStarMD : quantification et vérification de l’intensité carbonique du béton, servant à mesurer le carbone intrinsèque du béton. Cette norme établit une méthodologie pour calculer l’intensité carbonique des matériaux capturant le CO2 et pour utiliser les données dans un système intégrant tous les composants pertinents afin de déterminer la quantité de carbone intrinsèque d’une unité de béton. L’objectif de la cote CarbonStar est d’offrir une méthode pour évaluer quantitativement le carbone intrinsèque de manière transparente, reproductible, vérifiable, acceptable au niveau scientifique et acceptée par l’industrie.
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