Quand la Ville de Sherbrooke s’est tournée vers nous pour la mise aux normes de son usine de production d’eau potable, on était loin de se douter que ce projet marquerait un point tournant dans notre façon, et celle de la nouvelle génération d’ingénieures et d’ingénieurs, de concevoir ces systèmes et ces usines qui assurent la qualité de l’eau que nous buvons tous les jours.

La commande était imposante et complexe : concevoir une usine de production d’eau potable capable de desservir une plus grande population, munie d’un système de traitement plus complexe, plus respectueuse de l’environnement, plus sécuritaire pour les opérateurs et les voisins, et plus économique. Tout ceci en devant réutiliser l’usine existante, en ne disposant que de très peu d’espace supplémentaire, et sans interrompre la production d’eau potable pour les       160 000 citoyens de la ville.

Évidemment, rien n’allait être simple : eau trop peu chargée pour qu’un traitement conventionnel soit efficace, essais pilotes d’un système avec filtration rapide qui ont démontré la fragilité d’un tel mode de traitement pour le type d’eau, bref, il fallait trouver mieux. Et c’est ce dont s’est chargée Julie.

Concevoir des systèmes grâce auxquels les gens ont accès à de l’eau potable de la meilleure qualité qui soit, c’est pour moi une façon de contribuer à améliorer leur qualité de vie. Dans ce cas-ci, le client, la Ville de Sherbrooke, et nous, partagions cette volonté d’aller au-delà des exigences et des attentes, pour offrir ce qu’il y a de mieux à la population. La grande collaboration qui s’est installée entre les intervenants de la Ville et notre équipe nous a permis d’amener notre projet à un autre niveau.  Leurs besoins étaient bien définis, leurs attentes étaient claires, et tout ça se fondait sur l’expérience concrète qu’ils avaient de l’exploitation de l’usine existante.

Ce système, il devait aussi être adapté aux installations qui l’abriteraient. Il fallait que le contenant puisse contenir le contenu. Pas une mince affaire ça non plus, mais en plein dans le champ d’expertise de Jean-Yves.

Pendant que Julie, l’experte en procédés de traitement de l’eau, concevait le système de filtration, moi je me suis attaqué aux défis liés à la conception de l’usine. Ça nous prenait un bâtiment capable d’abriter une chaine de traitement beaucoup plus volumineuse, mais aussi suffisamment compact pour l’espace restreint dont on disposait.  Nous avions donc, chacun de notre côté, des critères de conception qui étaient en quelque sorte dictés par le travail de conception de l’autre. Créer une symbiose de tout ça nous forçait tous les deux à travailler différemment, mais surtout à collaborer comme nous ne l’avions jamais fait. Nous nous consultions chaque semaine et c’est toujours à deux que nous prenions des décisions.

À l’ère du développement durable et de l’implication citoyenne, l’acceptabilité sociale du projet était aussi au cœur de notre démarche scientifique. Nous voulions que l’aménagement de l’usine reflète l’engagement de la Ville envers ses citoyens en matière de sécurité, de protection de l’environnement et de viabilité financière, et nous y sommes arrivés.

Par exemple, en remplaçant le chlore gazeux, très toxique et volatile, par du chlore liquide, nous avons rendu l’usine plus sécuritaire pour les gens qui y travaillent mais aussi pour tous ceux qui vivent, travaillent et étudient de l’autre côté de la rue, sur le campus de l’Université de Sherbrooke. Nous avons choisi des équipements et conçu un procédé qui permettent de minimiser la consommation énergétique de l’usine, l’utilisation de produits chimiques et les rejets à l’égout. En s’assurant d’utiliser les technologies les plus modernes et efficaces – même si ça voulait dire se réorganiser en cours de route quand une technologie auparavant trop coûteuse est tout à coup devenue abordable –  nous avons réussi à transformer le bâtiment existant de manière à y intégrer, entre autres, ce qui était le plus grand procédé de filtration membranaire en eau potable au Québec, et ce, en augmentant l’empreinte au sol de l’usine de seulement 1165 m2.  En dotant l’usine d’un procédé qui ne requiert pas l’injection en continu de produits chimiques autres que le chlore dans la filière de traitement de l’eau, on a également pu préserver un maximum des propriétés uniques de l’eau du lac Memphrémagog, y compris ce qui la rend si bonne au goût.

Et tout ça, nous l’avons fait sans interrompre la production d’eau potable, en respectant l’échéancier établi et à un coût inférieur à que ce qui avait été prévu, ce qui n’a évidemment pas déplu au client.

Au-delà des bâtiments, des trains membranaires et des ozoneurs à très haute fréquence, cette usine c’est une des réalisations dont nous sommes les plus fiers. Fiers parce qu’elle en a déjà inspiré d’autres qui en inspireront d’autres à leur tour. C’est ainsi que nous contribuons, ensemble, à propulser l’innovation et à bâtir un monde meilleur.

Travailler si étroitement avec une autre personne, ça élargit notre perspective, ça change la façon dont on communique et, au final, ça nous permet de livrer un projet qui surpasse les attentes de tous, y compris nous.  Ça nous permet aussi de ne pas monter seul sur la scène pour aller chercher les prix!

Julie Cormier, Ing., M.Sc.A.  | Co-chargée de projet | Montréal, QC

Jean-Yves Lavoie, Ing. | Directeur infrastructures urbaines et co-chargé de projet | Sherbrooke, QC

*Paru initialement dans notre magasine expresso : convergence